I Les faits étaient les suivants :

En 2005, des bailleurs donnaient en location à Monsieur H un bien en contrepartie, notamment, d’un cautionnement d’une tierce personne, Monsieur N.

Le locataire étant parti précipitamment, sans laisser la moindre adresse, les bailleurs avaient été alors contraints par l’administration fiscale de payer la taxe d’habitation en ses lieu et place.

Toutefois, une fois cette taxe réglée, les propriétaires entendaient fort logiquement en obtenir le remboursement auprès de la caution, Monsieur N.

Faute de réponse de ce dernier, le Juge de Proximité avait été saisi par les bailleurs, aux fins d’obtenir sa condamnation à leur rembourser les sommes dues par leur locataire indélicat.

La juridiction de proximité se déclarait incompétente et renvoyait cette affaire devant le Tribunal d’Instance.

Devant le Tribunal, Monsieur N sollicitait le rejet des demandes des bailleurs en faisant valoir que la taxe d’habitation ne faisait pas partie des charges récupérables et ainsi de son engagement de caution.

La seule somme que la caution acceptait de régler était la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

II – les textes et le principe posé par la présente décision :

On le comprend bien, l’enjeu du litige portait sur les charges locatives : La taxe d’habitation relève t-elle des charges ?
On relèvera, tout d’abord et de façon succincte, un point de procédure que les justiciables (voir les avocats) rencontrent parfois ( et encore trop souvent) concernant la compétence du Juge de Proximité.

Le Juge de Proximité avait été, en effet, initialement saisi pour examiner ce litige.

Ce magistrat, en tout cas, en l’espèce, a heureusement fait l’application stricte des dispositions du Code de Procédure Civile et renvoyé cette affaire devant le Tribunal d’Instance.

Nous aurons très certainement l’occasion de faire prochainement une chronique sur les compétences des Juges de Proximité.

En effet, certains domaines du contentieux échappent encore, et c’est tant mieux, à cette juridiction.

L’exécution d’un bail relevant de la compétence exclusive du Tribunal d’Instance, le Juge de Proximité - du moins celui-ci - n'a pu que renvoyer les parties devant cette juridiction.

S’agissant, ensuite, du fond du problème, les charges locatives relèvent principalement de deux dispositions légales.

Il résulte de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 que les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie :

1)des services rendus à l’usage des différents éléments de la chose louée ; 2)des dépenses d’entretien courant et des réparations sur les éléments d’usage communs de la chose louée ; 3)du droit de bail et de l’imposition qui correspondent à des services dont le locataire profite directement ;

Ce même article renvoi pour la liste de ces charges à un décret en Conseil d’Etat lequel est fixé dans un décret du 26 août 1987.

Ce décret énumère en trois articles et une annexe les seize catégories de charges dont le bailleur est fondé à obtenir le remboursement.

Cette énumération règlementaire des charges a toutefois un caractère limitatif.

Il est, en effet, de jurisprudence constante que le Tribunal ne saurait raisonner en pareille matière par analogie et condamner le locataire au règlement de charges ne figurant pas dans cette liste du 26 août 1987.

La question alors soumise à la juridiction rennaise était alors de savoir si cette taxe d’habitation était énumérée dans ce texte et ainsi relevait du régime des charges.

Le Tribunal d’Instance de RENNES, suivant l’interprétation de Monsieur N, caution, considérait que cette taxe d'habitation devait être qualifiée de charges au sens du décret de 1987.

Dès lors suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation le Tribunal d’Instance de RENNES rejetait l’action des bailleurs en remboursement de la taxe d’habitation : cette taxe « ne faisant pas partie de la liste limitative de ces charges figurant en annexe du décret du 26 août 1987 ».

En revanche, la caution était condamnée au règlement de la taxe d’ordures ménagères à proportion de la durée de l’occupation du locataire.

III - Notre avis :

Cette décision apparaît , tout d'abord, conforme à l’orthodoxie jurisprudentielle actuelle.

Il est vrai que la liste des charges est limitative et que l’on ne trouve pas la taxe d’habitation dans ce décret.

Pour autant, au cas d’espèce, les bailleurs ont réglé aux lieu et place du locataire cette taxe d’habitation et cela peut paraitre choquant de les voir contraints à acquitter ces sommes, sans qu’ils aient la possibilité, du moins en pratique, de récupérer un jour celles-ci.

On peut, toutefois, et ensuite s’interroger sur la possibilité d’échapper à cette jurisprudence.

Deux pistes, me semble t-il, pourraient être proposées :

Premièrement ne pouvait-on pas contester la qualification de « charges » pour la taxe d’habitation ? Dans l’affirmative, ni l’article 23 de la loi de 1989, ni le décret de 1987 ne pouvaient s’appliquer, et ainsi aucune limitation ne pouvait opposer au bailleur.

A défaut d'échapper à cette qualification de charge, et deuxièmement, n’était-il pas opportun de se référer essentiellement à l'alinéa 3 de l’article 23 de la loi de 1989, précisant que les charges récupérables, sommes accessoires au loyer, sont exigibles sur justification, en contrepartie des impositions qui correspondent à « des services dont le locataire profite directement ».

Il pourrait y avoir toutefois une contestation sur la notion de services énoncée dans cette disposition légale.
Cependant, la taxe d’habitation n’est-elle pas calculée eu égard aux services existants près de cette habitation ?
Ainsi le règlement de cette taxe prévu par cette loi (de valeur constitutionnelle supérieure à un décret) ne pouvait-il pas s’imposer au-delà du problème de l’énumération limitative des charges mentionnées dans ce débat ?

Le bailleur, en tout état de cause, n’a malheureusement pas soulevé ces arguments de telle sorte qu’il n’existe pas à ce jour de décision contraire pouvant nous renseigner utilement.

Enfin, il convient d’indiquer qu’à l’inverse de la taxe d’habitation la taxe d’ordures ménagères est, elle, récupérable sur le locataire et sa caution.
Il est en effet de jurisprudence constante (notamment Cass civil 3ème du 18 janvier 1996) la Cour de Cassation en effet, réaffirme le caractère récupérable de cette taxe même si elle ne figure pas comme tel au bail.

En guise de conclusion :

Il est intéressant de préciser :

  • à titre d'’information utile : si le locataire est personnellement redevable de la taxe d’habitation, les articles 1686 et suivants du Code Général des impôts prévoient que le bailleur n’en devient responsable que s’il ne signale pas le déménagement au comptable du Trésor dans le délai d’un mois, en cas de déménagement à la date prévue, ou de trois mois en cas de déménagement furtif.


Le bailleur, à défaut, est alors, et seulement à ces conditions, solidairement responsable des impôts de son locataire défaillant.
Le bailleur n'est donc pas, de manière systématique, obligé de régler ces taxes aux lieu et place de son locataire négligent et indélicat.
Le bailleur peut également, passés ces délais, solliciter des remises gracieuses auprès de l'administration fiscale.

  • Cette chronique a été écrite bien avant le décret du 11 décembre 2008 applicable depuis le 01 janvier 2009.

Cela étant aucun changement sur ce point n'est intervenu. Le décret dont s'agit concerne essentiellement les charges récupérables pour les frais de personnel.